Pourquoi créer une grainerie collective ?

L’idée de grainerie participative à traduire en acte s’inspire de diverses expériences :

 celle de l’association française Kokopelli qui a rendue disponible une très grande variété de semences potagère, libres de droits et reproductibles, issues de l’agriculture biologique et de l’agriculture biodynamique, dans le but de préserver la biodiversité semencière et potagère. Via sa campagne « Semences sans frontières », Kokopelli offre à des pays « du Sud » des graines à partir desquelles les paysans peuvent retrouver leur autonomie semencière en se réappropriant leur production.

 celle de l’organisation Navdanya crée en Inde qui sauvegarde les semences traditionnelles indiennes et conserve un riche patrimoine de semences produisant des aliments nutritifs et résistants aux aléas climatique dans plus de 150 banques de semences communautaires. Navdanya promeut les droits des agriculteurs et le processus de conservation des semences. L’un des fondateurs de Navdanya, et l’un de ses membres les plus connus, est Vandana Shiva.

 celle de l’association Pétanielle, qui réunit des paysans et des jardiniers en vue de la conservation et du développement de la biodiversité des céréales cultivées. L’association met à disposition des jardiniers des sachets de grains de 12g pour cultiver 1m2 de céréales dans leur jardin, ainsi qu’une fiche de conseils de culture et garde contact avec eux tout au long de l’année pour des observations à effectuer (épiaison...) ou pour des actions à mener (pose d’un filet de protection, récolte, stockage...).

Les jardiniers s’engagent à mener à bien la culture de leur parcelle en suivant les conseils préconisés et à restituer tout ou partie de leur récolte qui va abonder un conservatoire de semence qui sera pour partie stockée et pour partie rendues disponibles pour des paysans. Cette démultiplication des sites de semis permet d’observer les performances, les milieux et les conditions de réussites des semences cultivées. Il s’agit d’une recherche action participative au cours de laquelle paysans et jardinier construisent ensemble les moyens de faire de la biodiversité un bien commun et retrouvent une indépendance vis- à-vis des industrie semencières qui produisent une variété très restreinte de graines généralement non reproductibles ou génétiquement modifiée qui nécessite l’apport d’intrants chimiques.

Graineries communautaires en Afrique

Au Zimbabwe, les banques de semences communautaires ont contribué à l’amélioration de l’agrobiodiversité systèmes des semences des agriculteurs, et au développement de stratégie d’adaptation au changement climatique en palliant la difficulté d’accès à des semences adaptées aux conditions du climat climat.

Les banques de semences communautaires jouent un rôle important dans l’augmentation de la diversité semencière gérée par les agriculteurs eux-mêmes grâce à diverses activités comme les foires aux semences et à l’alimentation, la sélection végétale participative par les écoles d’agriculture de terrain, la collecte de germoplasme, la production de semences et la commercialisation de cultures adaptées au climat, ainsi que l’utilisation d’une mécanisation appropriée.

Les banque de semences communautaire du Zimbabwe se sont spécialisées dans la conservation des semences de cultures résistantes au climat. Ces cultures et variétés, qui sont tolérantes aux stress biotiques et abiotiques, sont soigneusement sélectionnées et propagées par les agriculteurs et les sélectionneurs par le biais de la sélection végétale participative. L’étape initiale du processus de consiste en un exercice de diagnostic complet à l’aide d’un outil appelé « roue de la diversité ».

Cela permet aux agriculteurs d’identifier les cultures et les variétés de cultures avec les caractéristiques requises qui correspondent à leurs préférences et aux conditions écologiques locales.

Après l’exercice de diagnostic, les agriculteurs choisissent ensuite de procéder à la sélection participative des variétés, à l’amélioration participative des variétés ou au développement participatif des variétés.

Au Kenya, le Grow Biointensive Agriculture Center of Kenya, un organisme local à but non lucratif, aide les agri- culteurs à créer des banques de semences communau- taires, où ils peuvent sauvegarder des variétés indigènes. L’organisation, qui a été créée en 2008, travaille avec plus de 100 groupes représentant plus de 20 000 agriculteurs de différentes communautés du Kenya. Elle forme les agriculteurs à l’identification et à la collecte des variétés de semences indigènes en voie de disparition, et sou- haite créer dix banques de semences avec l’objectif de collecter plus de 2 000 variétés indigènes menacées.

En Ouganda, l’établissement de banques de semences communautaire a pris de l’ampleur, ces dernières années. Kiziba est l’une des dix banques de semences créées il y a plus de dix ans grâce à la collaboration de l’Alliance de Bioversity International et du CIAT avec le Centre de res- sources phytogénétiques de l’Organisation nationale de recherche agricole (NARO).
La banque de semences dessert actuellement plus de 2 000 agriculteurs du district de Sheema et sert de plateforme d’apprentissage pour le partage des connaissances et le développement des capacités. Grâce à des activités connexes de développement des capacités, neuf autres banques de semences ont été créées en Ouganda. Les banques de semences conservent principalement des variétés locales de haricots, ainsi que du millet, des arachides, du sorgho, du sésame et des légumes à feuilles traditionnels.

Par exemple, la banque de semences de Kiziba contient 69 variétés de haricots. Les haricots sont une source majeure de protéines dans cette région, en particulier en Ouganda et au Rwanda, qui ont la consommation par habitant la plus élevée au monde et sont des centres secondaires de la diversité des haricots.

Pour s’assurer que les agriculteurs disposent de suffisamment de matériel de plantation, la banque de semences de Kiziba distribue plus de quatre tonnes de semences par saison. Cependant, les banques de semences communautaires ne sont pas seulement un outil utile pour stocker des semences pour la prochaine saison de plantation. Elles sont également vitales pour la conservation de l’agro-biodiversité in-situ, qui garantit l’adaptation continue des ressources génétiques à un environnement en constante évolution.

Les diverses variétés des banques de semences présentent des traits et des caractéristiques différents qui facilitent la gestion des parasites et des maladies.

De même, les variétés arrivent à maturité à des moments différents, offrant une période plus longue de sécurité alimentaire des ménages et une meilleure nutrition. Ainsi, les banques de semences peuvent améliorer la résilience tout en stimulant la production alimentaire et la nutrition. En outre, elles agissent comme des centres d’information en offrant aux agriculteurs une plateforme de partage des semences et des connaissances indigènes connexes pour leur utilisation, leur gestion et leur conservation.

Grâce aux banques de semences communautaires, l’Alliance a collaboré avec des organisations nationales de recherche agricole et des banques de gènes nationales pour réintroduire la diversité perdue, introduire une nouvelle diversité, et tester et diffuser des variétés nouvellement développées par le biais de méthodologies participatives de test et de sélection variétale.